La fontaine des Girondins à Bordeaux
Place des Quinconces de part et d'autre de la colonne
Sur cette page :
- Le triomphe de la République pour le travail la sécurité et la force
- Le char du triomphe de la Concorde pour la paix et le bonheur
- Les chevaux marins des Girondins
- Des personnages chargés de symboles
- Splendide le jour, cette fontaine est également "belle de nuit"
- Une fontaine, au parcours mouvementé, qui aurait pu disparaitre
- Sauvée par les cheminots de Langeais, par un fondeur d’'Angers, ou par les deux ?
- Les 3 symboles perdus de la liberté, de l'égalité et de la fraternité
- Carte postale ancienne, la vision de la fontaine en 1905
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34 sculptures et jets d'eau animent le monument aux Girondins
Place des Quinconces, au pied du monument aux Girondins et de part et d'autre de la colonne se situent les 2 scènes qui constituent la fontaine des Girondins. L'ensemble du monument, colonne et fontaines, a bénéficié d'un vaste programme de restauration au cours des années 2005 et 2006. Avec la place de la bourse, le miroir d'eau et le Grand théâtre, cette fontaine est un monument incontournable pour toute visite de Bordeaux.
Côté Grand Théâtre la scène est vouée au triomphe de la République alors que sur l'autre face c'est le triomphe de la Concorde qui est célébré. La fontaine est composée de 34 sculptures de personnages et d'animaux, chaque représentation étant assortie de symboles associés au thème de la scène.
Des sculptures réalisées par 4 fonderies différentes
Concernant l'exécution des bronzes, il est souvent fait référence
aux fonderies du Val d'Osne, célèbre fonderie qui
avait aussi réalisé les
fontaines de Tourny à Bordeaux.
La présence de signatures datées de 1896 et 1897 que l'on peut trouver à plusieurs endroits sur la fontaine explique sans doute qu'elle soit souvent considérée comme fonderie unique. Dans les faits elle aurait essentiellement réalisé les différentes statues ainsi que les chevaux poisson.
Les chevaux reptiles seraient dus aux Etablissements Denonvilliers, l'ensemble du mensonge de l'ignorance et du vice aurait été réalisé par les Etablissements Lebland Barbedienne, tandis que les enfants, grenouilles et autres accessoires ornementaux reviendraient aux Etablissements Durenne.
Le triomphe de la République pour le travail la sécurité et la force
La scène située face au grand théâtre représente le "Triomphe de la République". Sur son trône la République magnifie le travail représenté par le personnage du forgeron tenant son marteau. Une femme tenant un glaive représente la sécurité tandis que le lion sur lequel elle trouve appui désigne la force. Les lois de la République sont rappelées de part et d'autre par la présence d'un groupe de 3 enfants "l'éducation obligatoire" du coté droit et le "service militaire" coté gauche.
Un char tiré par des chevaux marins (entre reptiles et poissons) jette dans le précipice les personnages symbolisant le Mensonge (l'homme au masque), l'Ignorance (l'homme aux oreilles d'âne) et le Vice.
Le char du triomphe de la Concorde pour la paix et le bonheur
La scène au pied du monument aux Girondins orientée en direction du jardin public consacre le "triomphe de la Concorde" qui tient à la main un rameau d'olivier. Œuvre de Félix Charpentier (1858 - 1924), elle protège la Fraternité symbolisée par les personnages de l'Ouvrier et du Bourgeois qui se parlent. C'est un ensemble avec de nombreux personnages chargés de symboles qui traduisent la paix et le bonheur.
Comme de l'autre côté du monument, on trouve à l'avant de ce bassin une seconde scène. Devant le triomphe de la Concorde on peut ainsi voir un homme, une femme et un enfant chevauchant un poisson. Le père, la mère et l'enfant qui symbolisent ici le bonheur familial.
Les chevaux marins des Girondins
C'est sans doute un peu moins vrai aujourd'hui, mais pendant longtemps les Bordelais lorsqu'ils voulaient faire référence à la fontaine parlaient volontiers des "chevaux des Girondins". Il faut dire qu'avec un total de 8 chevaux, 4 pour le triomphe de la République et 4 pour le triomphe de la Concorde, le cheval est ici particulièrement présent.
Il ne s'agit cependant pas de chevaux ordinaires mais de chevaux marins, œuvre de Gustave Debrie (1842-1932), qui présentent la particularité d'avoir tantôt les attributs de reptiles, tantôt les attributs de poissons. Au premier regard ce sont les sabots à griffes ou palmés qui attirent l'attention. En s'attardant un peu on remarque alors que les corps des chevaux présentent aussi quelques singularités. Nageoires, écailles et queues de reptiles caractérisent les "chevaux des Girondins".
Des personnages chargés de symboles
Au total la fontaine compte (comptait) 34 sculptures différentes. Si certains de ces éléments, comme les grenouilles par exemple, sont de simples attributs de décoration, la majorité d'entre eux sont porteurs d'une symbolique.
Des
symboles à replacer dans leur époque
A la période du tout numérique et des objets connectés, pour avoir une chance d'appréhender certains des ces symboles il sera bon de les resituer dans le contexte de l'époque.
A titre d'exemple, si l'on s'attarde sur "l'enfant à la hache" il n'est pas sûr que la symbolique soit immédiatement perçue. Elle ne le sera sans doute pas beaucoup plus si l'on précise qu'il ne s'agit pas d'une hache mais d'un "faisceau de licteur".
Sans trop entrer dans les détails de l'histoire, on pourra résumer en indiquant que le faisceau de licteur fut l'emblème de la France et qu'il représentait, à la Révolution Française, l'union et la force réunies pour célébrer la Liberté.
Les lois de la République sont rappelées de part et d'autre par la présence de 2 groupes de 3 enfants. Parmi les personnages présents sur la scène du triomphe de la République, à côté de "l'enfant licteur", on trouve "l'enfant au drapeau" qui rappelle la notion du service militaire obligatoire.
Le groupe avec l'enfant lisant et celui assis sur des livres fait lui référence à ce qui s'appelait alors "l'instruction publique". Le travail est représenté sous les traits du forgeron tandis que la sécurité et la force sont symbolisées par le lion.
La paix, la fraternité, l'abondance et la réconciliation sociale
A l'avant de la Concorde tenant le rameau d'olivier symbole de la paix, une femme allongée devant une gerbe verdoyante tient une grappe de raisin. Elle représente l'abondance. Pour la fraternité et la réconciliation sociale, ce sont 2 hommes, l'ouvrier des champs et le bourgeois citadin qui se parlent et se donnent la main.
Palette de peintre, lyre du musicien et marteau de sculpteur sont les attributs des 3 enfants représentant les Arts qui se trouvent célébrés avec une couronne de lauriers. A l'opposé, le groupe d'enfants représente la Paix et la Fraternité qui favorisent le commerce.
Splendide le jour, cette fontaine est également "belle de nuit"
A la tombée de la nuit, alors que l'éclairage public est à peine allumé, les personnages de la fontaine se détachent sur fond de ciel bleu. Un peu plus tard, il est agréable de voir la lumière jouer avec les gerbes d'eau.
Initialement c'est la fontaine de Bartholdi qui avait été choisie
La fontaine que nous connaissons n'était pas le choix qui avait été initialement fait pour occuper cet emplacement. Le premier concours qui avait été lancé avait abouti au choix de la fontaine proposée par Auguste Bartholdi. Le prix demandé ayant été jugé trop élevé, c'est la proposition du bordelais Achille Dumilâtre qui sera finalement retenue. Pour la petite histoire Bartholdi aurait été dédommagé pour son travail par un règlement de 3 500 francs, et la fontaine qu'il avait imaginée serait a peu de choses près celle qui orne aujourd'hui la place des Terreaux à Lyon.
Une fontaine, au parcours mouvementé, qui aurait pu disparaitre
Une fontaine démontée et absente de la place des Quinconces pendant plus de 40 ans
Au
cœur de la seconde guerre mondiale l’avenir de cette fontaine s’est
assombri. Comme bon nombre d’autres monuments aujourd’hui disparus,
sous les ordres de l’occupant, les éléments constituant la fontaine
des Girondins ont été démontés. Certains écrits de l’époque relatent
qu’ils auraient été vendus au prix de 30 francs le kilo de bronze
dans le but d’être fondus. En 1943 ils ont quitté la capitale
Girondine et l’on a perdu leur trace durant presque deux ans.
Le mystère subsiste sur les conditions qui ont permis aux éléments de la fontaine d’échapper à leur fin programmée. Ils ont été officiellement retrouvés et rapatriés à Bordeaux en 1945. Sur cette période, il circule deux histoires qui sans véritablement s’opposer, ont du mal à s’imbriquer.
D’une part l’acte de cheminots résistants qui ayant découvert les éléments de la fontaine à Langeais les auraient détournés et cachés jusqu’à la fin de la guerre. L’autre version étant attribuée à un fondeur d’Angers qui aurait également usé de subterfuges pour sauver l’ensemble avant de le faire revenir à Bordeaux.
Sauvée par les cheminots de Langeais, par un fondeur d’Angers, ou par les deux ?
Dans les ouvrages traitant de cette période, il est presque toujours question de la ville d’Angers. Il est aussi régulièrement fait référence à l’action importante des cheminots dans la sauvegarde du monument. Mais curieusement on retrouve plus facilement des descriptions sur les wagons qui auraient été bas et bâchés (et au nombre de treize), que sur l’action même des hommes et le lieu où les éléments de la fontaine auraient été cachés.
La piste des cheminots de Langeais qui mérite d’être creusée
Henri Cambornac qui était chef de gare (ou un titre similaire) à Langeais dans les années 1942-1943 aurait, avec d’autres cheminots, repéré et contribué à la sauvegarde des éléments de la fontaine qui remontaient en train vers l’Allemagne. Ils auraient été dirigés vers une voie de garage puis dissimulés sous une marquise (ou une tonnelle) proche de la gare.
Ayant par la suite été muté à la gare de Bordeaux Bastide, Henri Cambornac aurait révélé à la ville de Bordeaux le lieu où étaient stockés les éléments de la fontaine. C’est en tout cas le récit qu'il faisait alors à sa famille, et plus particulièrement à son fils Michel.
Cette version ayant été assez peu exploitée, on peut penser qu’il s’agit d’un des nombreux faits de résistance à être resté seulement dans la mémoire locale. Pourrait-on retrouver du côté de Langeais les bâtiments qui auraient pu abriter les éléments de la fontaine, des documents relatant ces faits, des personnes ayant déjà entendu cette histoire... Voici une série de question qui reste ouverte !
Pas si différente, peut-être complémentaire, la piste du récupérateur d'Angers
Plus développée dans les livres traitant ce sujet, il s'agit de la piste du récupérateur fondeur situé cette fois ci à Angers. Comme l’on peut notamment le lire dans l’ouvrage de Roger Galy consacré au Monument aux Girondins, ce serait Albert Guillemin alors Directeur de l’entreprise Savigner et ayant en charge la destruction, qui serait parvenu par différents stratagèmes à éviter l’échéance fatale. C’est également lui qui aurait fait en sorte que les éléments de la fontaine reviennent à Bordeaux. Dans cette version, c’est le fils d’Albert Guillemin, Hubert qui en rapportait les faits.
Angers ou Langeais ?
Les deux versions ayant pour dénominateur commun le train, et les deux villes en bord de Loire n’étant distantes que d’une centaine de kilomètres, il n’est pas impossible que chacune ait pu jouer son propre rôle à un moment donné. Ce qui est certain c'est que les personnages de la fontaine ont fait leur retour à Bordeaux en 1945.
Il faudra attendre 1983 pour le retour de la fontaine aux Quinconces
Les statues retrouvées ont alors été stockées (et même oubliées), au pied du pont d'Aquitaine. Il aura fallu la volonté sans faille d'une association et de quelques passionnés pour que l'ensemble puisse bénéficier d'une rénovation. Ce n'est qu'à l'hiver 1983, soit plus de 40 ans après leur départ, que les personnages de la fontaine des Girondins ont enfin retrouvé leur emplacement sur la place des Quinconces.
Les 3 symboles perdus de la liberté, de l'égalité et de la fraternité
Personne ne semble plus savoir aujourd'hui ce que sont devenues ces 3 statuettes
Aujourd'hui, lorsque l'on regarde le groupe Sud de la
fontaine, on
constate que le personnage central qui représente la république, tient dans sa main une boule parfaitement ronde
et lisse. Pourtant, en regardant cette même République sur toutes les
cartes postales des années 1900, on distingue nettement des
personnages sur cette
sphère. Ainsi, sur la
photo ci contre qui est l'agrandissement d'une carte postale ayant
circulé en 1905, on voit clairement 2 petites statues posées sur la
boule.
En fait, à l'origine il y avait bien trois statuettes représentant 3 personnages qui symbolisaient la république : la liberté, l'égalité et la fraternité. Il semblerait que ces statuettes aient été volées (à quelle période ?). Leur trace aurait alors été perdue pendant plusieurs années.
Ces 3 statuettes symboles de la République seraient pourtant réapparues un beau jour dans une vente aux enchères ou elles auraient été acquises par un collectionneur Américain. Si tel est le cas, on peut s'interroger et se demander pourquoi la ville de Bordeaux n'aurait pas tenté de récupérer un bien appartenant à son patrimoine. Histoire vraie, rumeur, légende urbaine ? Ce qui est sur c'est que ces personnages ont bel et bien existé et qu'aujourd'hui ils ont disparu.
Carte postale ancienne, la vision de la fontaine en 1905
Cette carte postale ayant voyagé en 1905, représente le groupe sud de la fontaine des Girondins, c'est à dire la partie située coté Grand Théâtre et place de la comédie.
A l'intérieur de l'ovale rouge, on remarque que la République tient quelque chose à la main. Il s'agit bien des 3 personnages symbolisant la Liberté, l'égalité et la fraternité décris ci dessus. A cette exception près, et malgré un voyage qui aurait pu être le dernier, la fontaine des Girondins semble ne pas avoir changé un siècle plus tard.
[ Document Carte Postale - collection personnelle ]
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